Parfois une phrase suffit à définir une certaine forme de condescendance (pseudo) cinéphilique, quelques mots inoffensifs prononcé comme une formule de politesse "Amusez-vous bien" à l'adresse de jeunes gens se rendant au cinéma. Mais quand on a vingt ans , la conviction forte que le cinéma est un art supérieur, on ne va pas voir un film pour s'amuser (quelle idée), mais pour analyser, pour en baver et pourquoi pas s'emmerder un peu l'ivresse vient après dans la recherche d'explication, dans l'analyse du ressenti.

"Love Lies bleeding" appartient à ces films un peu "mal aimables" au premier abord. Il est nécessaire de se forcer un peu pour entrer dans son atmosphère poisseuse, pour appréhender ses personnages au mal -être retentissant et ressentir un peu d'empathie à leur encontre. Il faut parfois gratter le vernis repoussant de premiers effets visuels déroutants, une salle de sport aux couleurs criades et un premier gros plan sur un Wc bouché par vous devinez- quoi, pour aller au delà des thèmes qui affleurent (un histoire d'amour, de sexe et de vengeance) et saisir les thématiques de fond abordées: les raisons d'une addiction, l'inaction de la gente masculine en général face aux violences faites aux femmes (même celle du père de la victime) et décidemment l'impossibilité pour les femmes (dans certains milieux) de s'émanciper de leur soumission au sexe dit fort autrement que par des actes extrêmes. Evidemment il est beaucoup question de soumission au sexe (tout court), dans ce polar lesbien ou Lou (Kristen Stewart) gérante d'une salle de sport appartenant à papa (Ed Harris "terrific" en vieux dur ridé au cheveu long), s'éprend de Jackie (Katy O'Brian véritable révélation) "bodybuildeuse" instable, aux humeurs incontrôlables qui décroche un job en couchant avec le mari de la sœur de Lou un ineffable connard tabassant sa femme. De coucheries en injections des stéroïdes, la situation va rapidement se dégrader échapper aux deux protagonistes qui vont enchainer les décisions malheureuses et entrer dans une spirale de violence inéluctable.

Le film déjà crasseux, poisseux, va entrer dans une belle logique de film noir, lorgnant par instants du côté du road-movie féminin désenchanté (Thelma et louise se rappelle à notre bon souvenir) . Au final, la réalisatrice du prometteur "Saint-maud" livre une vision très sombre encore une fois de cette amérique profonde du rêve américain désincarnée une réflexion sans complaisance sur les rapports humains. Bref du glauque jusqu'à l'écœurement parfois, de l'outrance démonstrative et répétitive dans certaines scènes (de sexe notamment), une narration quelquefois confuse, mais un film percutant , tendu ou l'on ne s'amuse pas beaucoup, mais qui marque durablement (?)

Yoshii
7
Écrit par

Créée

le 28 avr. 2024

Critique lue 322 fois

11 j'aime

Yoshii

Écrit par

Critique lue 322 fois

11

D'autres avis sur Love Lies Bleeding

Love Lies Bleeding
Cinephile-doux
6

Abus de stéroïdes

Il était prévisible qu'après un premier long-métrage aussi brillant que Saint Maud, la réalisatrice britannique Rose Glass allait pouvoir traverser l'Atlantique et se voir confier des moyens plus...

le 27 avr. 2024

8 j'aime

2

Love Lies Bleeding
Moizi
5

Les personnages sont biens, le reste...

Love lies bleeding a fait beaucoup parler avant même sa sortie notamment pour son côté amants maléfiques mais réinterprété avec une esthétique queer et une bonne dose de violence. Néanmoins durant...

le 29 avr. 2024

7 j'aime

Love Lies Bleeding
el_blasio
8

Gym Tonic

L’émancipation du patriarcat est au cœur de Love Lies Bleeding (de Rose Glass, USA, Royaume-Uni), célébrant le retour aux affaire de Rose Glass. La réalisatrice avait déjà fait forte impression avec...

le 7 mars 2024

6 j'aime

Du même critique

Il reste encore demain
Yoshii
8

Des lendemains qui tabassent

Sorti en Italie au cœur de la vague d'indignation suscitée par l'assassinat de Giulia Cecchettin par son ancien petit ami (le 106ème féminicide en 2023 de l'autre côté des alpes), "C'è ancora...

le 12 mars 2024

84 j'aime

3

Civil War
Yoshii
8

« Nous avons rencontré notre ennemi et c'est nous encore » *

Jamais peut-être depuis 1938 (et le canular fabuleux d'Orson Welles, qui le temps d'une représentation radiophonique de "La guerre des mondes" sema la panique aux Etats-Unis), une illustration...

le 15 avr. 2024

80 j'aime

16

Le mal n'existe pas
Yoshii
9

Le soleil se couche à l'est

悪は存在しない est une ode silencieuse à la nature, un lent poème bercé par une douce musique mêlant en sourdine les cordes d'un violon et celles d'un piano. Une mélodie de la vie sauvage qu'accompagnent...

le 22 avr. 2024

60 j'aime

13